Notre voyage  2019-2020 en Amérique du Sud, pour voir la carte

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Les croquis fait pendant ce court séjour sont visibles sur notre site lescroquisdelescampette.jimdofree.com

 

Article écrit à Abra Pampa le 10 janvier 2020

 

Nous sommes en Argentine depuis maintenant trois semaines, mais nous vous avions quittés sur une route toute plate en Uruguay.

 

 

 

 

Jet de cartable ! les Argentins sont en vacances

La route n° 1 qu’il nous a fallu suivre pour rejoindre le port de Sacramento del Colonia (Uruguay) est d’un ennui mortel. Je n’avalais pas les kilomètres, je les mâchouillais. Pour un peu j’aurais fait des boulettes comme avec le beefsteak quand j’étais gamine. Bon. J’allais les digérer quand même ces longues lignes droites ! Je fulminais tout du long. «Pas possible de perdre son temps dans un paysage aussi nul alors qu’il y a tant de merveilles à voir sur terre ! Alors que nous ne verrons même pas les chutes d’Iguaçu ! » Bref, c’est de fort mauvaise humeur que j’ai atteint les rives du Rio del Plata. Et Daniel est sans doute dans le même état d’esprit que moi puisqu’il propose de prendre le premier bateau en partance pour Buenos Aires.

Nous voici donc sur le bateau, par un temps bien ensoleillé, et ça, on aime bien. Buenos Aires est à 50 km sur la rive sud de l’estuaire. Pour tout horizon, de l’eau. Et l’on ne s’étonne plus que les premiers marins européens arrivés dans les parages au XVIème siècle se soient crus en pleine mer. Nous rêvons un peu d’aborder une ile grecque, mais c’est la capitale de l’Argentine (15 millions d’habitants si l’on compte toute l’agglomération) qui nous attend. Nous y venons pour la troisième fois et, sans l’avoir prémédité, avons réservé une chambre dans le même hôtel qu’en mars 2014. Même chambre, même papier peint défraîchi, mais un garage fermé pour les vélos. C’est une journée bien remplie –commencée dès 5 h du matin. Ne vous attendez pas à ce que nous fassions visiter Buenos Aires. De toute façon tout est fermé en cette période de fêtes. Reportez-vous au voyage précédent (https://lescampette.jimdofree.com/chili-argentine-2013-2014/argentine-novembre-d%C3%A9cembre-2013/.)

 

Dès le lendemain matin nous sommes aux comptoirs de bus de la gare routière centrale. Et rapidement tout s’organise. Billets pris pour le 25 décembre – 24 heures de bus, my God ! – et les vélos sont confiés à une compagnie de fret. A nous les Andes ! Tiens, justement, toute une famille d’Andins débarque d’un bus. Chapeau sur la tête des hommes, femmes vêtues d’épaisses jupes plissées et de châles, tous chargés de ballots. Nous avons changé de monde. D’ailleurs il y en a beaucoup du monde comparé à l’Uruguay, et puis des petits étals de babioles, de fruits, de sandwichs. Un tas de gens qui vivent de petits boulots. La vie des Argentins est compliquée : 55 % d’inflation pour l’année 2019. Des gens vivent dans la rue, une jeune fille toute timide chante (faux) sur les quais, une boite en carton à ses pieds, un homme vend quelques bouteilles d’eau, des vieux tentent de rester dignes mais suintent l’extrême pauvreté et le sourire de la femme de chambre de notre hôtel, qui a largement l’âge d’être à la retraite, trahit l’épuisement. Cette lutte pour se vendre, pour survivre, est pathétique. 

 

 

Salta – 1 000 m d’altitude.

Cassée, crevée, nauséeuse, le crâne dans un étau, c’est ainsi que je suis descendue de ce bus après 24 heures de trajet soit 1 600 km, avec seulement ½ heure d’arrêt pour se dégourdir les jambes. Je savais bien que cela aurait été moins fatiguant à vélo.

 

L’hôtel dans lequel nous avons réservé est en centre-ville et cependant assez éloigné de la place centrale pour être au calme. Notre chambre est lumineuse et une grande fenêtre s’ouvre sur un petit jardin dans lequel s’épanouit un énorme bougainvillée. Nous commençons par rallonger notre séjour de deux nuits, boire un thé, prendre une douche et faire la sieste.
Dans l’après-midi nous ressortons pour aller faire un tour sur la grande place. Deux des côtés sont occupés par des terrasses de cafés-restaurants, les deux autres par une cathédrale rose de style italien et un couvent tout blanc. Les prix des consommations nous surprennent et nous ravissent au point que nous nous asseyons à une terrasse devant deux grandes tasses de café et des petites pâtisseries. Et nous regardons ce qui se passe autour de nous. Voilà comment je conçois la vie !... Ce serait peut-être bien l’avis du petit gars qui cire les pompes pour 30 Pesos (le prix d’un bout de pain) et ne dédaigne pas finir les assiettes des convives repus, de cette femme qui se faufile entre les tables pour vendre des chaussettes, ou de ce pauvre homme qui n’a que trois bobines de fil à proposer. Mais il y a aussi les musiciens andins qui jouent aux terrasses des cafés, les mêmes qui jouaient dans le métro quand, à l’âge de 20 ans, j’allais bosser à Paris. Je leur donnais souvent la pièce parce que leur musique m’emportait loin du bureau. De l’autre côté de la rue, dans le square, il y a des danses folkloriques, des marchands de glaces, des promeneurs, des pigeons et des chiens, et des touristes qui font des photos. Les premiers touristes européens que nous voyons depuis le début du voyage. Ils se remarquent aisément au milieu des silhouettes des autochtones plus courtes, plus rondes. Les tignasses sont drues et brunes, les nez busqués, les peaux cuivrées.

Vendredi, le dernier de l’année 2019, dès 7 h matin, nous trouvons devant la porte de notre hôtel une foule patiente et résignée. Une file de gens sur deux rangées s’étire loin devant et loin derrière. La rue est barrée et l’ « Infanterie » assure l’ordre. Jusqu’où va cette file de gens ? Jusqu’à une banque. Et il en est ainsi aux abords de quasiment toutes les banques. Des milliers de gens attendent, en plein soleil. Renseignements pris, ils vont toucher une prime de fin d’année de 5 000 Pesos (soit environ 70 €). Un petit marché s’est improvisé aux coins des rues : vendeurs de fruits, de boissons, de chapeaux, de parapluies, de quoi tenir le coup. 

5 $ seulement la picole !

 

Ces files d’attente n’ont disparu qu’à la nuit pour recommencer dès le lendemain matin. Toute la journée les camions convoyeurs de fonds ont circulé dans la ville et c’était impressionnant de penser qu’ils étaient peut-être bourrés de fric en vrac.

Nous avons retrouvé avec plaisir les crèmes glacées argentines. Vite une grosse glace ! Et notre gourmandise sera bien punie. 40 heures enfermés dans la chambre, malades comme des chiens tous les deux. Inutile de penser à reprendre la route comme prévu dès le lundi matin et notre hôtel fermant pour la fin de l’année, il nous a fallu en trouver un autre. Pas difficile, il doit bien y en avoir une centaine à Salta. Et, à l’hôtel Giralda, nous faisons la rencontre d’un couple fort sympathique. Jean François et Roong sont des photographes passionnés par les oiseaux, et plein d’autres choses. Ils habitent à Phuket et nous invitent spontanément dans leur maison. Attention à ce que vous dites  les amis ! Nous allons venir, c’est sûr ! Découvrir les oiseaux de Thailande en votre compagnie serait vraiment un grand plaisir. Le 31 décembre tous les commerces, y compris les restaurants, ont descendu leurs stores à 15h. Les rues se sont vidées. Seuls un ou deux restaurants du centre-ville affichent un menu de réveillon qui ne nous concerne pas. Une barquette de riz et de salade composée, une mangue et un bon bouquin nous ont permis de passer une fin d’année comme nous aimons.

 

Le premier jour de l’an 2020, dès 7 h du matin, nous enfourchons nos vélos dans les rues désertes de Salta. Cette année s’annonce donc cycliste et nous roulons sur nos traces de novembre 2013. Et quelle belle promenade par la Cornisa de la Caldera, sur une route étroite et sinueuse dans un paysage de montagnes verdoyantes et de forêt touffue, dans une solitude bienfaisante. Grillons, chants d’oiseaux, une côte toute douce suivi d’une descente toujours toute en douceur sur une vingtaine de kilomètres. Quel contraste et quel plaisir après les voies express rectilignes de l’Uruguay ! 

Si nous avons eu l’idée de camper au bord du lac d’El Carmen où nous avions été seuls il y a six ans, nous changeons rapidement d’avis. Il y a un monde fou en ce jour férié et une file interminable de voitures bien garnies promet une ambiance qui ne correspond pas à notre humeur.

Arrêt au kiosque de l’office du tourisme pour avoir des adresses d’hébergements. Les deux petites dames sont ravies. Nous sommes leurs premiers touristes étrangers. Elles veulent un selfy avec nous et  nous offrent un bibelot souvenir absolument hideux et bien trop lourd – hélas !- pour que nous puissions l’emporter dans nos sacoches.

A l’entrée du village nous ferons comme tout le monde en allant manger une tortilla cuite sur place et fourrée de fromage, oignons et tomates.

Partis de Jujuy (1260 m d’altitude) sous un crachin bien mouillant nous commençons  à monter.

Ça promet !

 

Ce n’est qu’un début, l’altiplano nous attend.  A midi nous passons un col en plein brouillard. Passer ce col, c’est changer de pays. Fini la forêt et les pâturages. On bascule dans un univers minéral coloré ponctué de cactus.

A Purmamarca (2200 m d’altitude) que de monde ! Des voitures partout, des boutiques et des stands d’artisanat envahissent le centre.

Les hôtels sont inabordables. 40 € la chambre double, 13 € deux lits dans une chambre de 15 m2 qu’il faut partager avec trois autres coucheurs, bons ou mauvais. Camper dans la poussière d’un parking ne nous tente guère d’autant que le vent se lève et que de gros nuages s’amoncellent. Nous aurons  la chance de trouver chez une femme une petite chambre pour deux, salle d’eau basique et commune dans la cour. A 18 h notre logeuse allumera une flambée dans une espèce de samovar qui fournit l’eau chaude de la douche.

 Il y a une volée d’escaliers pour atteindre la chambre, puis une autre très raide pour accéder à une terrasse où sont remisés les vélos. La maison grimpe, adossée à la roche. Et de cette terrasse, nous découvrons le décor : grandiose ! Vite sortons les carnets de croquis !

Nous n’oserons pas vous montrer le résultat.

 

 

 Purmamarca est un village de maisons basses niché entre d’abruptes montagnes de roches colorées. 

Nous avons beau être déjà venus, la magie reste entière. C’est tout simplement beau.

Tilcara – 2 500 m d’altitude

 

Ce qui nous attirait à Tilcara, c’est le site aborigène de Pucara. Non pas tant pour les vestiges– très sommaires - vieux de 900 ans et les reconstructions de l’habitat que pour l’incroyable forêt de cactus candélabres qui s’y est installée. La colonne de la plante, d’un très beau bois ajouré servait autrefois à la construction de charpentes, de portes et de mobilier, utilisation désormais interdite pour protéger l’espèce. Ces cactus qui peuvent atteindre 10 m de haut ne pousserait en effet que de 7 à 10 mm par an.

 

 

Le contraste est saisissant entre colline de caillasse et d’épines et le vert brillant des noyers et peupliers de la vallée, encadrés par les montagnes arides qui culminent à plus de 5000 mètres.

Nous continuons à remonter la vallée du Rio Grande, encore appelée la Quebrada d’Humahuaca 

Des collines sont toute hérissées de cactus. A ce sujet une anecdote est racontée : quand les Indiens virent arriver les Espagnols, se sentant bien trop peu nombreux pour faire face, ils eurent l’idée de réquisitionner le plus de vêtements possible et d’en habiller les cactus. Se croyant face à une armée formidable, les envahisseurs firent volte-face, ce qui donna un sursis aux indigènes de la région.

Ne dirais-t-on pas des sentinelles en effet ?

 

Plus nous avançons plus les visages sont ronds et la peau tannée. On commence à voir des  hommes avec une joue déformée par la chique de coca. Devrais-je en prendre moi aussi ? Je suis claquée, j’ai le souffle court et j’arrive à Humahuaca (seulement 3 000 m d’altitude) avec une fringale qui me donne des vertiges.

Monument de l’Indépendance de Humahuaca

 Nous trouvons vite notre chambre avec salle d’eau commune chez une grand-mère accueillante. Et nous nous offrons le restaurant. Trop faim. Pour 4,50 € à nous deux, nous aurons une Milanaise surmontée d’un œuf sur le plat et une abondante garniture de frites et de salade. Ah ! La Milanaise ! Encore une institution argentine, avec le maté et le dulce de lecce (la confiture de lait). La Milanaise, donc, est une escalope pannée très fine, très très fine, de viande ou de poulet – étant bien entendu dans le monde entier désormais  que le poulet ce n’est pas de la viande. Chaude avec des frites, ça passe puisque cela n’a pas de goût, mais froide entre deux bouts de pain comme c’est souvent vendu dans la rue, ça a vraiment le goût de carton bouilli. Enfin celle du jour a été appréciée car nous étions affamés.

Le jour se lève à 6h30. A 7h nous sommes sur la route car l’étape risque d’être difficile. Heureusement à partir de Humahuaca la circulation se fait plus rare. Nous devons monter jusqu’à 3 800 m d’altitude et ma fatigue et mon essoufflement de la veille m’inquiètent. A mon grand étonnement, cela va beaucoup mieux aujourd’hui. Je me suis même demandé si ce n’était pas un peu barge de vouloir pédaler à des altitudes pareilles à 65 ans. Mais non, ça passe bien.  « La route grimpe doucement » nous avaient dit les amis passés là avant nous. J’ajoute : « et nous aussi nous grimpons doucement ». 

Pause énergétique sur la route de l’Altiplano – Daniel tient son nouveau drapeau, celui des aborigènes de la région

 

Pas de grosses difficultés et ça monte par paliers, mais nous nous arrêtons souvent, pour boire car il fait très beau et le soleil tape fort, pour regarder et prendre des photos. Car c’est vraiment très beau. Je ne décrirai pas le paysage, les photos parlent d’elles-mêmes.

Moi qui rêvait depuis si longtemps de monter un jour sur l’Altiplano andin, cette fois-ci j’y suis, et à vélo en plus !

A Tres Cruces, il ne nous reste plus que deux petits kilomètres à monter pour atteindre le sommet. Il est 14 h et il fait chaud. Nous avons déjà 60 km dont 50 de côte dans les pattes. Une pause s’impose. Et tandis que nous buvons notre coca la fatigue nous tombe dessus. A ma question « Y-a-t-il une chambre à louer ici ? » une femme me répond qu’il y en a bien une « la porte verte là-bas », mais ce n’est pas sûr que la duègne soit là. Le téléphone andin fonctionne bien, surtout depuis que tout le monde est équipé de portables, puisque quelques minutes plus tard Cachito vient nous proposer une chambre. Top là. Nous n’irons pas plus loin aujourd’hui. Nous avons tout ce qu’il faut pour le dîner dans nos sacoches et il y a du pain au mini-mercado.

Rencontre à Tres Cruces

 

Les maisons couleur terre de Tres Cruces semblent perdues en plein désert. Et pourtant vers le nord la prochaine petite ville n’est qu’à 30 km. Cachito nous renseigne. Tres Cruces compte 400 habitants – nous en rencontrerons bien 1% lors de notre promenade dans le village –employés à des postes administratifs, dans l’agriculture ou encore  à la mine d’El Alguilar (plomb, zinc et argent) située 45 km plus au sud à 4 000 m d’altitude et qui fait régulièrement parler d’elle à cause des conditions de travail et de sécurité déplorables.

Les traces d’une ancienne voie ferrée racontent une activité remplacée par la route. Cette voie qui reliait la frontière bolivienne à Buenos Aires situé  à 1 825 km.

3 780 m d’altitude ! Jamais été à vélo aussi haut

 

Aujourd’hui c’est du nanan. La route descend en pente douce à travers l’immense plateau de La Puna.

 Pratiquement pas un coup de pédale sur 30 km. J’ai l’impression d’être assise dans un fauteuil devant un écran panoramique. Le film est superbe.

Chapelle isolée sur le plateau

 

 Abra Pampa. Nous n’irons pas plus loin, l’orage menace et il pleuvra une partie de l’après-midi, ce qui me donne le temps de mettre le blog à jour.

 

A Abra Pampa, c’est déjà presque la Bolivie. Tout le monde porte un chapeau, un  chapeau coloré, si bien que je me sens vraiment gringo avec ma casquette.

Demain nous devrions atteindre la frontière bolivienne.

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