Notre voyage  2019-2020 en Amérique du Sud, pour voir la carte

cliquez ici

Les croquis fait pendant ce court séjour sont visibles sur notre site lescroquisdelescampette.jimdofree.com

 

Bienvenido a Uruguay

 

 

 

 

 

 

 

Lundi 2 décembre Nous avons franchi la rivière qui fait frontière entre le Géant Brésil et le petit Uruguay par un grand pont plutôt moche. 

Au bout du pont, n’ayant pas vu de bureau de douane je demande à un policier où il faut faire tamponner son passeport. « 4 km plus loin ». Et en effet, c’est à la sortie de Rio Branco que la douane uruguayenne barre la route. Le tampon d’entrée dans le pays est posé sans problème sur nos passeports mais il nous est conseillé de faire demi-tour, de refranchir le pont et d’aller quémander un tampon de sortie du Brésil dans un bureau que nous n’avons pas vu. « Necessario ? » Ca nous embête bigrement. Les employés haussent les épaules et nous souhaitent bon voyage. Donc officiellement nous sommes bien entrés en Uruguay mais sans être sortis du Brésil. Cela nous rappelle notre entrée au Etats Unis sans tampons de sortie mexicain.

Le changement de langue se fera en douceur puisque, dans cette région frontalière, la population parle majoritairement le Portugnol, et pour une fois ce n’est pas moi qui est inventé ce mot.

Au départ rien ne change. C’est toujours tout droit. Les rares conducteurs nous font tous des signes amicaux. A l’entrée du village appelé Placido Rosas un abri bus spacieux muni de deux bancs nous accueille pour le piquenique. Le village est accessible par une piste et promet un bivouac possible en bord de rivière. Je m’y serais bien arrêtée mais nous sommes attendus le lendemain à Treinte Y Tres et l’étape serait trop longue si nous nous arrêtions déjà. Avançons. Pourtant le vent nous ralentit. Nous avons visé Vergara comme fin d’étape. La pension dans laquelle nous nous arrêtons  a un petit côté grec qui nous ravit avec sa cour aux murs blanchis, son puits central, ses pots de géraniums et son bazar de pelles, seaux et balais. L’odeur de lessive du linge qui sèche et le chant du coq peaufine l’illusion. Sur la table de nuit est posé le Nouveau Testament, occasion d’apprendre l’Espagnol dans le texte. Quelques légumes achetés dans le magasin mitoyen et nous préparons notre dîner dans la cuisine à notre disposition.

 

Nous découvrons les produits et les prix Uruguayens. Et ce n’est pas vraiment une bonne surprise. Tout est aussi cher qu’en France sinon plus mais nous ne trouvons pas nos Noodle Soup chinoises instantanées et adorées (quoique…). En revanche il y a de la purée instantanée – la pure de papas – introuvable au Brésil. Cela vous fait peut-être sourire mais ce sont nos soucis de campeurs. Le Dulce de Lecche (confiture de lait) est réputé délicieux (rico) en Uruguay. Fini les selfs aux buffets bien garnis dans lesquels nous avons pu, au Brésil, faire de bons repas. Ce sera désormais Torta Fritas – une sorte de galette creuse plongée dans un bain de friture – ou hamburgers (beurk).

Trente Y Tres (33) Nous nous attendions à une vraie ville avec des immeubles et même des tours mais ce n’est qu’un gros village aux maisons basses et rues perpendiculaires. Nos hôtes, Suzana, Luis, la mama et la nièce nous accueillent dans la rue avec forces embrassades, non pas de simples étreintes, ou embrasado, mais la bise carrément. OK. On se bise. Et nous entrons dans la maison par l’atelier puisque Luis est vitrier. Nos vélos passeront la nuit entre les grandes plaques de verre découpées. En les garant j’ai un peu l’impression de laisser des éléphants dans un magasin de porcelaine. Luis nous conseille de les attacher. Serait-ce pour les empêcher de faire des bêtises ?

Rencontre de gauchos

 

Nous avons longuement hésité entre la route de Lascano et celle de Charqueada pour rejoindre la côte. Les conseils de Luis et l’existence d’un camping nous a fait opter pour la seconde. Et elle est plaisante cette petite route toute bordée d’eucalyptus, tout au moins sur les premiers trente kilomètres. Les perroquets verts font un vacarme d’enfer et nichent dans la chevelure de ces grands arbres. Des gauchos à cheval déplacent des petits troupeaux de bovins d’un pacage à l’autre. Ensuite c’est à nouveau tout droit en plein soleil. La route se termine au bout d’un village devant un ponton d’où un bac fait traverser véhicules et piétons à la demande, et de ce fait enchaîne les allers-retours dans de grands vrombissements de moteurs. Mais nous avons bien l’intention de camper sur cette rive herbeuse avec vue sur cette large rivière qui va se jeter dans un lagon. On peut s’installer. C’est gratuit. Et vu le nombre de sanitaires et de barbecues, de prises électriques à disposition, il doit y avoir beaucoup de monde certains week-end. Le vent s’est renforcé, le ciel s’est obscurci et nous finissons l’après-midi dans la tente alors que la pluie menace.

Dès 7 h le lendemain matin, traversée de la rivière en bac, puis 7 km de piste, le reste avec fort vent de face ou de côté. 

Nous plafonnons à 12-13 km/heure, beaucoup moins par rafales.

Vent de face

 

Rizières et terrains gorgés d’eau. Quel spectacle que l’envol des aigrettes, hérons et cigognes à notre approche.

Arrivés crevés à Chuy avec 92 km au compteur

A Punta del Diablo nous habitons un container

 

 De l’extérieur c’est plutôt moche. Une fois dedans on n’y pense plus. Cuisine, chambre, salle d’eau, tout est blanc et propre, une grande terrasse avec vue sur d’autres containers transformés en maisons. C’est spacieux, pas cher. On se pose avec plaisir pour deux jours. Ce n’est pas que l’endroit soit très joli, mais nous avons besoin d’une pause. Car aujourd’hui encore le vent fut notre ennemi, nous affrontant par le côté, le traître !, pour nous faire faire des embardées sur cette route n°9 qui file le long de la côte vers Montevideo. Nous voici installés avec la ferme intention de cuisiner, faire la grasse matinée (au moins jusqu’à 7 h !), dessiner. 

Punta del Diablo, lieu de villégiature et de vacances, est un gros bourg de cabanas fabriquées de bric et de broc. La majorité de ces maisons à louer est encore quasiment vide mais ce sont près de 25 000 personnes qui vont envahir les lieux quand commenceront les vacances estivales, de fin-décembre à fin février.

Nous rencontrons une Française installée là depuis trois ans. « La vie est aussi chère qu’en France et les salaires beaucoup plus bas, nous dit-elle, mais c’est plus facile de vivre ici ». Plus facile d’être pauvre sans doute. On peut ici rouler dans une vieille guimbarde – et nous en voyons qui pourraient figurer dans la Route au Tabac ou Le Petit Arpent du Bon Dieu (cf. Caldwel). On a le droit de vivre dans un container ou de construire sa maison avec des planches. Nous avons même vu une petite entreprise spécialisée dans l’aménagement de containers.  Quand on pense qu’en France il est interdit de vivre dans un mobilhome, même et surtout sur un terrain vous appartenant !

Au niveau de Castillos nous avons quitté la route n°9 pour en prendre une plus petite qui dessert les plages et stations balnéaires. Pas facile de trouver un camping ouvert. La haute saison ne débutera vraiment qu’à Noël. Au camping Rincon de Valizas, une dizaine d’emplacements protégés du soleil par des bâches, un jeune bricole et répare. Il nous accueille avec beaucoup de gentillesse bien qu’il ne soit pas sûr que ce soit vraiment ouvert.

 

Valizas est plus agréable que Punte Del Diablo. Les maisons y sont plus coquettes, entourées de jardins fleuris (beaucoup d’hortensias) et ombragés. La particularité du lieu est cette barre de sable qui le protège du large et sert d’habitat à une colonie de goélands. On y accède à marée basse en pataugeant un peu.

De retour de promenade nous trouvons un jeune couple de Suisses, Julien et Maël, installés près de nous. Une cuisinière, un réfrigérateur ont été sortis ainsi qu’une poubelle, l’évier a été briqué, tout fonctionne ou presque puisqu’il n’y a pas encore d’eau chaude dans les douches. Un Brésilien viendra également planter sa tente. Quand il nous quittera il nous dira : «  Je suis de Porto Alegre. Alors si vous revenez là-bas, demandez Rafael, je serai content de vous inviter ». C’est promis et on se rappellera : Rafael à Porto Alegre (1,5 million habitants).

 

L’entrée du parc naturel de Cabo Pollonio est située à une douzaine de kilomètres de Valizas. Nous avons laissé les vélos en garde à l’entrée et c’est en camion 4X4 que nous avons atteint la pointe rocheuse du cap, par une piste terriblement ensablée. Le but ? Aller voir une colonie de loups de mer. Leurs corps luisant d’eau, noirs sur les rochers roses, leurs jeux dans les vagues et les intimidations des mâles auraient pu nous retenir une bonne partie de la journée. Mais la chaleur est torride sur ces roches.

 Après une bonne heure d’observation et une tentative de croquis, nous avons rebroussé chemin. Bémol au plaisir du spectacle : un village est planté sur cette pointe de sable et de roches, un village composé majoritairement d’auberges de jeunesse, de pensions, de bars avec « live music », bref une ambiance qui ne correspond absolument pas à ce qu’on pourrait attendre d’une réserve naturelle. J’ai en outre eu vraiment l’impression d’être transportée comme du bétail touristique pour aller voir une attraction. Bien contente de ne pas avoir prévu une nuit sur place.

 

 

La Paloma - Près de la plage une immense pinède parcellée d’un nombre incroyable de petits emplacements pour tentes, chacun doté d’une table et d’un barbecue. Car un Uruguayen ou un Argentin sans barbecues ne peut que rater ses vacances. Ce qui fait, dans ce bois de pins et d’eucalyptus, plusieurs centaines de foyers, environ un tous les cinq mètres, au milieu des toiles de tentes. On peut acheter son petit fagot de buchettes à la réception, quant aux pommes de pins pour allumer le feu, elles sont gratuites et les extincteurs bien rares. De quoi faire un beau feu d’artifice en haute saison par 40° à l’ombre ! Heureusement il n’y a que trois emplacements occupés et nous nous installons bien à l’écart. A 18h, quand l’orage grondera et qu’il commencera à pleuvoir, tout le monde décampera et nous resterons seuls dans les lieux. L’orage passera au large et il ne tombera qu’une bonne pluie. Bonne odeur de terre mouillée, de pin et d’eucalyptus.

Cette photo a été prise dans un autre camping où les barbecues étaient plus sécurisés, puisque couverts, mais parfois ce sont de simples bacs ouverts sans aucune protection

 

Outre le barbecue la deuxième chose absolument indispensable à tout citoyen d’Uruguay ou d’Argentine c’est le maté. On n’a généralement par ici qu’une main de libre, la seconde, la première étant occupée à tenir le bol à maté, un petit récipient souvent en forme de calebasse décorée, le thermo coincé sous le bras. Il s’agit de l’infusion des feuilles d’un petit arbuste endémique bu à l’aide d’une paille, généralement de métal. Le maté favoriserait la perte de poids … L’abus de maté en Uruguay s’explique quand on voit les formes généreuses des gens du pays !

Maté sur la plage

 

Nous aurions dû suivre la côte et traverser un lagon par un bac qui n’existe plus nous dira-t-on. Il nous faut donc faire un détour d’une quarantaine de kilomètres et, en prime, rejoindre la grande route. Le vent s’est levé pour chasser les nuages, SO, 30/40 km/h. A l’entrée de ville de Rocha nous décidons d’arrêter là l’étape. 

Un virage ? Ou un mirage …

 

15 km de piste mais roulante puis route agréable jusqu’à Jose Ignacio. A partir de là c’est la Côte d’Azur. 

Punta del Este

La pluie étant prévue pour la journée du dimanche nous avons réservé une chambre chez l’habitant dans la station balnéaire à la mode de  Punta del Este. Notre hôte, qui peut accueillir 26 personnes en chambres doubles ou en dortoirs, nous annonce qu’à partir de Noël c’est complet jusqu’à fin février. Hâtons-nous de fuir.

 

Dans l’après-midi du samedi, par une grosse chaleur, nous repartons sans les bagages, pour aller visiter à 12 km la maison-musée de Carlos Paez Vilaro. Nous resterons un peu à côté, sans émotion artistique. Cette maison, à l’architecture atypique il est vrai, accrochée à la falaise, a été démesurément agrandie pour être transformée en hôtel et la partie musée ressemble plus à une boutique qu’à une maison d’artiste.

Et dimanche il a plu, comme prévu. Mais la journée n’a pas été nulle pour autant puisque nous avons regardé la Grande Librairie consacrée à Christian Bobin. On ne peut s’empêcher d’aimer cet homme ! Après l’avoir écouté, on n’a plus envie que de retraite et de silence. Mais où ?

Cette même après-midi j’avais lancé un appel sur Facebook. « Quelqu’un aurait-il des livres électroniques de Saramago, Nicolas Bouvier et d’autres… ? » Et très vite nous recevions l’alerte suivante : « Untel vous a envoyé un message dans 3 heures »  Miracle du décalage horaire,  dans notre boite mail arrivaient effectivement des livres de notre auteur préféré trois heures avant qu’ils aient été envoyés. Mieux que  le Père Noêl !

 

Au camping de Parque del Plata nous avons négligé les emplacements abrités mis à disposition des campeurs, préférant camper sous un eucalyptus. Vers 1 h du matin, alors que l’orage gronde et menace, nous déménageons. Ce n’est pas mal finalement d’avoir un toit sur la tête.

 

« Vous venez d’où avec vos bicyclettes ? » Je finis de me laver les dents avant de répondre à la petite dame curieuse. « Du Brésil et nous allons en Argentine » - « Que lindo ! » (que c’est beau !) et elle me prend chaleureusement dans ses bras. Elle est dodue la coquine.

Pas un coin d’ombre pour la pause-café

Soleil au zénith

 

Montevideo - 20 km d’autoroute puis nous avons suivi la côte tout du long en roulant la plupart du temps sur de larges trottoirs. Très peu de circulation dans cette capitale de 1,2 million d’habitants, soit un tiers de la population nationale.

Montevideo ne saura pas nous retenir plus d’une journée. Visite du musée Torres Garcia, fondateur du constructivisme et natif de la ville. La collection du musée est bien pauvre.

Il nous reste maintenant à inventer la suite du voyage. Irons-nous voir les chutes d’Iguaçu ? Ce n’est pas l’envie qui nous manque. Il n’y a qu’à pédaler 1 500 km, encore 1 500 km tout droit, dans un paysage sans attrait et avec beaucoup de chaleur, nous le savons. Après avoir passé de longs moments aux comptoirs de toutes les compagnies de bus de la gare routière, nous devons nous rendre à l’évidence : impossible de mettre les vélos dans les cales de bus. Réfléchissons : les chutes d’Iguaçu en pleines vacances de nouvel An, c’est-à-dire en plein été ici, est-ce bien raisonnable ?

Presque décidé à faire l’impasse sur cette merveille du monde, nous prenons la route pour rejoindre Buenos Aires.

 

Départ à 6h30 pour sortir de Montevideo. En ¾ d’heure c’est chose faite. Capitale pour capitale, je préfère devoir quitter Montevideo à vélo que Paris… ou Bangkok… ou Istanbul…

Dans la petite ville active de Cannelones un couple nous aborde : « pour la télé locale » et chacun de brandir qui son micro qui sa caméra. Il faut quand même être sacrément têtu pour s’obstiner à faire une interview en Espagnol de quelqu’un qui vient de vous dire ne pas parler l’Espagnol ! Qu’à cela ne tienne ! Notre journaliste tient son flash et ne veut pas le laisser passer. Je ne comprends pas les questions, mais cela ne m’empêche pas de répondre, avec trois mots d’Espagnol et le reste en Francognol. Daniel, lui, s’est tiré, à la recherche des Banos, me laissant me débrouiller toute seule.

Il fait vraiment très chaud. 33° à l’ombre sont annoncés. Sous l’un des rares arbres du bord de route nous nous arrêtons boire notre eau tiède. Deux gars sont là, bien à l’ombre. Ils nous lancent quelque chose comme : « il fait trop chaud pour rouler » - « oui, un coca bien frais per favor ! » - « A 2 km il y a un bar. ». On y va.

On aurait dit que le patron de ce bar nous attendait. Tandis que nous buvons notre boisson gazeuse bien frappée, il nous parle. Décidément les gens de ce pays se moquent bien de savoir si on les comprend. Ils parlent, ils parlent, pour le plaisir de parler. Et il nous montre ses trésors : un transistor des années 60, une calebasse à maté joliment gravée, une photo d’une voiture Opel de 1936, une collection de vieux sabots, une photo des moissons en 1930… Nous hochons la tête, ponctuons son bavardage de « Si ! Si ! ». Il nous faudra l’interrompre d’un « Vamos »  impératif.

 A San José, avec une centaine de kilomètres dans les pattes, cramoisis de chaleur, nous ne faisons pas les difficiles. La chambre de cette auberge est minable et trop chère, mais fraiche, bien fraiche. Apparemment les autres chambres sont occupées par des ouvriers, sauf celle en face de la nôtre qui est louée à l’heure et très rentable apparemment. Il y a une cuisine pour faire cuire nos pâtes, des tables dans une cour ombragée et tout le monde va se coucher de bonne heure. C’est de là que nous vous écrivons tandis que dehors le temps est à l’orage.

 

Pour nous laisser un commentaire, cliquer ici